anne sizaret, juillet 2014

Emmanuel Fournier a publié des ouvrages de philosophie et d’autres en dessin. En commun à ces ouvrages, une exploration des conditions de la pensée et des possibilités de les surmonter par des allègements.

"Comment faire pour ne pas se trahir ? Former pour se libérer, mais parfois déformer en formant, et finir par se contredire. Comment vivre sans se contredire ? Ou alors comment en profiter ?"

La langue infinitive a été inaugurée en 1992 dans Croire devoir penser, paru en 1996 aux Éditions de l’Éclat, suivi par d’autres livres présentés dans la rubrique Livres chez d’autres éditeurs, jusqu’à Philosophie infinitive paru en 2014. En faisant abstraction des substantifs et en contournant les préjugés qu’ils véhiculent, l’infinitif libère la réflexion d’un certain nombre de ses entraves et permet de ré-envisager nos questions de vie d’un point de vue plus dégagé. Dans cette langue pour verbes et conjonctions, où rien n’est assuré, où tout est en mouvement, nous nous trouvons engagés à penser en acte et à raviver nos questionnements en les formant sur un mode nouveau. Mettre les verbes en action, se confier à eux, c’est considérer la fragilité de nos certitudes et de nos déterminations comme une chance de dépassement.

"J’attends le vent. Qu’il balaie tout ce qui ne tient pas. Penser et dessiner se font à force d’enlever et non d’ajouter. On ne dépouille jamais assez. Certaines questions ont peu de chances de voir le jour si nous ne veillons pas, par toutes sortes d’opérations de transcription et de dénuement, à nous mettre en état de les accueillir. Il faudrait aspirer et souffler tous les vents du monde, et attendre de ne plus rien pouvoir enlever de plus. Dès qu’il y a moins de matière, presque rien, quelque chose devient enfin possible."

L’introduction du dessin dans le champ de la philosophie obéit à des préoccupations analogues : alléger nos moyens, mettre en mouvement tout ce qui paraît défini, libérer des possibilités d’interrogation, rendre à chacun cette liberté… En ouvrant l’éventail des interprétations, le dessin plonge la pensée dans une attitude de déchiffrage où elle peut à la fois juger, œuvrer et se voir œuvrer. Après différents essais menés à partir de 1986, plusieurs livres "écrits en dessin" paraissent aux éditions Corduriès. Ces derniers ont été réédités en 2007 et peuvent être consultés page à page dans la rubrique Livres aux éditions Corduriès de ce site.

"Un jour, on s’était dit, Voilà la destinée que doit suivre ma vie. Je serai artiste, moi l’amoureux, le fou de dessin, et je le serai toujours. Je vais y vouer ma vie en grand, et ce ne sont pas quelques questions engendrées de manière récurrente dans ce sillage qui pourront m’en écarter. L’écume ne change pas la route du navire qui la soulève." (Extraits de Mer à faire, éditions Éric Pesty, 2005)

L'ensemble de ces travaux a trouvé dans le "domino" un espace de déploiement possible où les livres, comme nos vies, se divisent pour s’assembler en diptyques et se relier les uns aux autres.


Bibliographie en domino