La même chose |
La même chose |
Toujours la même chose |
Vivait en se multipliant |
préface |
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 |
Préface
L’essai qui commence a trait à la vie et à
la mort. Il provient de dessins pris au crayon dans les carnets d’un
mois de juillet passé sur les sentiers d’Ouessant, dessins
repris à la plume par la suite, cherchés, décomposés,
recomposés, réinterprétés, réinvestis
à l’atelier. Plus précisément, Vivait en se multipliant
est né de l’horreur d’une charogne qui barrait l’un
des sentiers côtiers de l’île, un matin de soleil et de
vent léger, où rien ne semblait appeler la mort. Le cadavre,
affreusement baudelairien, est resté sur son promontoire face à
la mer, pendant tout le temps de mon séjour, provoquant à
chaque passage par cet endroit la même répulsion, mais aussi
le même désir de regarder, d’enregistrer, de transcrire
et de transfigurer ce qui s’opérait là de décomposition
et de pullulation, malgré la puanteur du lieu et l’incongruité
de s’y arrêter.
Plus loin sur le chemin, des moutons broutaient, vivaient et recommençaient,
regardaient la mer, se ressemblaient et recommençaient avec une infinie
douceur. Le prolifique, éphémère, se rapprochait du
grégaire, éternel, et les questions qui demandaient où
nous allions, nous décomposant, nous recomposant, mourant à
tout moment pour revivre aussitôt, rejoignaient les questions demandant
qui nous étions, nous individualisant, nous fondant les uns dans
les autres pour nous isoler de nouveau à chaque instant.